Piccola nota: il seguente articolo era stato originariamente scritto per il numero di un journal francese, verso la fine del 2021. Quel numero è stato poi completamente cancellato e non vedrà mai la luce.

Per non buttare via il contributo ho deciso di pubblicarlo qui, sul mio sito personale.

L’articolo è in francese, una lingua in cui solitamente non scrivo. Per cui è possibile che sia rimasta qualche imprecisione nel testo, che avrebbe dovuto essere poi corretta durante il processo di revisione. Processo che però, come detto, non c’è mai stato, visto l’annullamento generale della pubblicazione.

1. Ecocritique et jeux-vidéos

L’écocritique (de l’anglais ecocriticism, inventé par Rueckert[1]) peut être définie, essentiellement, « l’étude de la relation entre la littérature et l’environnement physique[2] », plus précisément finalisée à « proposer une lecture des œuvres littéraires qui puisse être véhicule d’une ‘éducation à voir’ les tensions écologiques du présent[3] ». C’est une forme d’analyse – et d’activisme – immédiatement liée au nature writing, c’est-à-dire ces textes littéraires qui s’occupent explicitement du rapport entre humains et environnement, mais d’ailleurs, comme Scott Slovic l’a mis en évidence il y a déjà des années[4], toute œuvre littéraire (et non seulement littéraire) peut être potentiellement soumise à l’analyse écocritique. L’Association for the Study of Literature and the Environment (ASLE) a effectivement étendu son champ d’investigation, arrivant à toucher un large éventail de productions médiatiques et culturelles[5]. Parmi celles-ci, il n’a pas manqué le médium jeu-vidéo, auquel l’on a dédié plusieurs lectures écocritiques, soit focalisées sur des titres individuels[6], soit de manière plus générale[7].

En prenant en compte ces précédents, le présent article propose une analyse écocritique du jeu-vidéo NieR : Automata (Platinum Games, 2017), lequel, tout en étant pas spécifiquement lié au sujet de l’environnement, apparait comme un cas emblématique pour la façon autoréflexive de présenter le conflit. NieR : Automata, c’est-à-dire, est une réflexion sur les modalités des représentations vidéoludiques[8] et offre donc la base pour la possibilité d’étendre l’étude « écologique » du thème. Ce terme est ici compris dans un sens plus large que son usage commun : il est défini, en reprenant plusieurs analyses écocritiques, comme un système de relations entre organismes et environnements.

NieR : Automata est peut-être la plus caractéristique des œuvres du japonais Yokō Tarō (connu aussi pour son choix de paraître en public toujours avec un masque), qui y a travaillé en tant que directeur et scénariste. Le jeu-vidéo est la suite du précèdent NieR (Square Enix, 2010), qui ne fut pas très bien accueilli par la critique et le public[9]. Le joueur se trouve dans un futur lointain où la planète est dominée par les « machines », des entités créées par des extraterrestres envahisseurs. Les humains survivants vivent sur la Lune, d’où ils envoient des androïdes de guerre sur la Terre. Les protagonistes du jeu sont trois androïdes, contrôlables en trois sessions différentes du jeu, qui à chaque fois ajoutent de nouveaux détails à l’histoire. Le joueur prend le contrôle, dans l’ordre, de 2B, 9S et A2[10]. Les renversements de perspective qui ont lieu avec les changements de personnage sont le point de départ de la première partie de la présente analyse, qui porte sur la synergie entre narration et gameplay, et qui engendre un message interprétable écocritiquement. Ensuite, dans la deuxième partie, nous nous attarderons sur quelques décors spécifiques du jeu-vidéo, pour voir comment ceux-ci contribuent à la création d’une certaine ambiance.

2. Renversements

Le premier tiers du jeu, où l’on prend le contrôle de 2B, suit un schéma de dévoilement traditionnel. 2B, presque toujours accompagnée par 9S, poursuit sa lutte contre les machines mais arrive à découvrir que certaines d’entre-elles ont développé une personnalité autonome et souhaitent être en paix avec les androïdes. Une machine nommée Pascal (plusieurs personnages de NieR : Automata portent le nom de penseurs et philosophes du passé) a fondé une communauté pacifiste dans la forêt, qui est plusieurs fois visitée par 2B et 9S. La solution future, l’espoir dans l’apocalypse, semble être tracée nettement, en termes à la fois relationnels et environnementales (c’est-à-dire les machines pacifistes vivant dans les arbres, qui s’opposent aux ruines d’une ville détruite par la guerre). Une perspective plutôt optimiste, surtout par rapport à d’autres apocalypses technologiques et écologiques de production japonaise[11], avec leurs liens plus ou moins directs avec l’exploitation militaire de l’énergie atomique[12]. NieR : Automatane se focalise pas sur les conséquences environnementales de l’apocalypse, mais les considérations de 2B et 9S à propos de l’espace environnant[13] permettent de se poser des questions sans utiliser une rhétorique écologiste explicite qui pourrait apparaître répulsive là où elle cherche à amener l’utilisateur à s’intéresser à ces thématiques[14].

D’une part, donc, on découvre petit à petit que les androïdes sont « comme » les humains, par leurs émotions et les désirs qu’ils éprouvent, en entendant ce rapport en termes de dérivation : il s’agit de copies qui ressemblent à l’original même au-delà de l’apparence physique. D’autre part, des machines comme Pascal aussi ressemblent à des êtres humains, par leur comportement, mais en sens différent : ce sont des entités inconnaissables, extraterrestres, qui ressemblent dans une certaine mesure à quelque chose de connu et qui pour cette raison sont à ceci comparés. Le dualisme hiérarchique et oppositif entre les deux parties, qui contient inévitablement à l’intérieur de lui l’idée d’un pôle supérieur et d’un pôle inférieur, n’est donc pas résolu[15]. La guerre aux androïdes continue à paraitre ‘juste’, parce que finalisée à rendre le monde à ses propriétaires légitimes, les humains (ici se révèle aussi la polarisation homme/nature). Les machines restent la représentation de l’altérité inconciliable et de l’ennemi, on se limite à reconnaitre à certaines – comme des exceptions – quelques similitudes avec les sentiments humains, ce qui permet de négocier, toujours en restant dans une perspective d’opposition.

2.1 La perspective des ennemis

La deuxième partie du jeu fait un pas de plus en renversant la perspective, en gardant toujours le même framework empathique. Le joueur revient sur les mêmes évènements qu’il a déjà vécu, de l’arrivée sur la planète à la défaite des machines Adam et Eve, mais cette fois en contrôlant l’androïde 9S. Celui-ci, à la différence de 2B, est capable d’intervenir sur les machines par des actions d’hacking, pour les contrôler ou les détruire. Cette capacité propre à lui n’est pas une simple variation du gameplay, mais elle lui offre aussi l’occasion de saisir les pensées et les sensations des ennemis. Ce ne sont donc plus seulement les machines pacifistes de Pascal qui ont des sentiments humains : dans une certaine mesure, toutes les machines, même quand elles ne sont pas capables de l’exprimer de façon cohérente, éprouvent de la joie et de la douleur, des peurs et des désirs. Même avant de prendre contrôle de 9S, il y a une courte partie du jeu, souvent négligée, où l’on joue pendant quelques minutes le rôle d’une machine :

Avant que le joueur ne contrôle 9S, il doit compléter une mission avec Friedrich, une petite machine qui est en train de récupérer de l’huile pour réanimer son « frère », qui est clairement irréparable. Bien que jusqu’ici le joueur ait passé son temps à tuer des machines comme Friedrich, le passage soudain du rapide et agile 2B au lent et chancelant robot permet une sympathie pour son impuissance, qui devient ensuite une frustration empathique quand, surchargé par son godet, le joueur trébuche sur un des nombreux tuyaux cachés qui parsèment le terrain[16].

Prendre le point de vue de l’« ennemi » n’est pas une nouveauté de NieR : Automata, mais l’interactivité caractéristique du medium vidéoludique[17] offre un élément en plus par rapport à d’autres formes d’expression. Nous n’observons pas simplement les actions d’un autre personnage, mais nous sommes en train d’opérer activement pour l’achèvement de ces actions. C’est le joueur même, dans le rôle de 2B, qui a détruit les centaines de machines, et il en détruira autant quand il contrôlera 9S, il n’est pas simplement un spectateur qui juge l’agir d’autrui. Même en dehors des moments de contrôle direct des « ennemis », l’interaction vidéoludique menée avec son propre avatar avec les NPC (non-player characters) peut facilement amener à une forme d’empathie avec eux[18]. C’est pour cela que la mort de NPC avec lesquels on a passé beaucoup de temps peut susciter des réactions émotionnelles très fortes[19] et, sous certaines conditions, il est possible de développer des liens empathiques forts avec ses adversaires, en se trouvant dans le paradoxe de devoir les tuer pour avancer dans le jeu sans en vouloir la mort (comme dans Shadow of the Colossus, Team Ico, 2005). L’intensité et la variété interne du sentiment émotionnel potentiellement généré par un jeu-vidéo[20] se lient très bien avec l’approche écocritique aux jeu-vidéos, parce que la cocréation narrative du joueur – qui est appelé à intervenir activement pour faire avancer l’histoire – et le contrôle d’avatar très différents de ce qu’on est (au point de contrôler des créatures non humaines) produisent des réponses émotionnelles qui peuvent être dirigées vers des finalités éducatives sur des thématiques déterminées[21].

NieR : Automata utilise par ailleurs des stratégies très spécifiques pour canaliser les émotions possibles du joueur, aussi en recourant à la mémoire, et il fait cela surtout grâce à la musique. La bande son du jeu-vidéo est composée de variations multiples sur les mêmes morceaux musicaux, qui non seulement définissent l’évolution du mood d’un certain environnement, mais tracent aussi des liens implicites entre lieux et personnages séparés, associés par un même morceau qui est reproposé en une forme différente[22]. La tension entre similitude et différence est accrue davantage dans les morceaux chantés. Ces derniers utilisent une langue inventée, crée par le mélange de structures de plusieurs langues réelles. De cette façon, les parlants de différentes langues croient reconnaitre quelques paroles, mais sans arriver à comprendre le sens des phrases. Ce sont des chansons qui apparaissent universellement familiales et universellement étrangères en même temps, ce qui renforce l’idée de liens sous-jacents communs à des cultures et des entités différentes, comme androïdes et machines.

2.2 Le conflit éternel et le sacrifice

La troisième et dernière part de NieR : Automata maintient la thématique de ce caractère commun de fond, du lien qui tient ensemble des êtres profondément différents, mais elle en modifie les bases. Jusqu’ici le jeu a proposé plus ou moins directement l’idée d’une possible paix future, fondée sur le comportement de machines pacifiques comme Pascal. Ce qui émerge maintenant, en revanche, c’est que toute créature a en commun le besoin de conflit. En réalité la totalité du jeu parle de conflit, mais jusqu’à présent nous avions encore l’idée qu’une porte de sortie était possible. Dans la troisième partie, au contraire, les dévoilements progressifs montrent une vérité différente. Les extraterrestres qui ont créé les machines ont disparu depuis longtemps, et l’humanité encore plus tôt : tout ce qui reste sur la lune, c’est un échantillon de génome humain, placé dans une structure qui reçoit et envoie de faux signaux. De plus, les machines furent créées avec la seule mission de vaincre l’ennemi, ce qui en même temps implique la présence continue d’un ennemi qui ne peut jamais être battu. Avec le temps, elles ont évolué en assimilant beaucoup d’informations sur les humains. Comme le synthétise une des notes de fin de jeu qui est écrite par un androïde : « Alors ! En résumé : depuis des centaines d’années, on a combattu contre un réseau de machines qui a en son centre le fantôme de l’humanité. On a vécu dans un p**** de monde où l’on mène une guerre qu’on  ne PEUT PAS PERDRE, tout ça à cause d’un Conseil de l’Humanité qui n’existe même plus[23] ». Même si l’on abandonne cette logique de conflit global – potentiellement éternel – pour s’attarder sur les vicissitudes des personnages, le résultat est le même. Le joueur, qui dans les précédents deux tiers du jeu avait expérimenté des points de vue différents et des potentialités non encore exprimées, voit maintenant tout ce monde s’effondrer sans qu’aucune de ses actions ne puisse avoir d’impact[24]. La station spatiale des androïdes est détruite, 2B découvre qu’elle a été infectée par un virus et demande à A2 de la tuer, suscitant en 9S une irrésistible soif de vengeance. La machine Pascal abandonne son pacifisme pour défendre les ‘enfants’ du village, en vain, parce que pendant la bataille ceux-ci se suicident en masse, terrorisés (ils avaient appris les sentiments humains comme la peur grâce à Pascal lui-même). Les histoires de plusieurs autres personnages secondaires se fondent sur le conflit ou sur un désir qui se révèle insuffisant pour donner du sens à une vie et qui, une fois réalisé, les pousse à se suicider.

Les comportements des androïdes et de machines sont les mêmes que ceux des êtres humains, du moment que les deux formes de vie synthétique sont directement ou indirectement influencées par les mémoires de l’humanité. Puisque tout ce qui font est fondé sur le conflit, et qu’ils suivent le comportement des humains, il parait possible d’affirmer que le conflit représente le noyau de l’humanité. En regardant bien, il n’est pas nécessaire d’attendre le final de NieR : Automata pour comprendre ce concept, qui est déjà rendu explicite au moment de la bataille entre la machine Adam et 2B. À ce moment-là, Adam affirme avoir compris la vérité après de longues réflexions : « Le noyau de l’humanité… est le conflit. Ils se battent. Ils tuent. Ceci est l’humanité dans sa forme la plus pure[25] ». À cette occasion 2B répond, indignée, que son adversaire ne sait rien à propos des humains, mais les évènements semblent donner raison à Adam.

NieR : Automata met donc en avant le comportement des humains, bien qu’ils n’apparaissent jamais dans le jeu. L’humanité apparait ici dans la forme de l’absence. Tout le monde dans le jeu parle de l’humanité, même en son absence. Les décors du jeu sont ‘infestés’ par cette mémoire du passé, ils en portent les traces, et d’une façon non positive. L’héritage de l’humanité est fait de débris et ruines, pollution et animaux mutants. La guerre qui suit, interminable, entre androïdes et machines n’a fait que produire des déchets ultérieures, à commencer par les corps des combattants, des coques vides abandonnées sur le champ de bataille. La conflictualité des humains s’est donc dirigée surtout vers la nature, « colonisée » en tant que pôle faible[26].NieR : Automata ne présente pas de nostalgie naturelle, pas de désir idéalisé de retour à une forme de pureté perdue, ce qui caractérise beaucoup de narrations green contemporaines. Yokō Tarō a affirmé à plusieurs occasions ne pas vouloir imposer aux joueurs une certaine vision, ou leur donner une seule réponse ; l’évolution continue des jeux-vidéos qu’il a produit rend encore plus grand le nombre d’interprétations possibles[27].

De cette manière, la question écologique peut certainement être laissée, à propos de NieR : Automata, à la libre interprétation de l’utilisateur, et sera facilement dirigée vers le déjà cité système relationnel entre les différent organismes, plutôt que dans les rapports avec l’environnement. Plusieurs jeux-vidéo plus ou moins contemporains de NieR : Automata proposent des paraboles narratives green beaucoup plus monolithiques, comme Horizon : Zero Dawn (Guerrilla Games, 2017), qui présente un retour à la nature après la destruction et la renaissance du monde, avec la création d’un futur qui en réalité est lié nostalgiquement à une sorte d’âge d’or vert, à un passé vague et indéfini. Les considérations de 2B et 9S, les paysages de NieR : Automata, ses narrations du passé, offrent au contraire des éléments de réflexion, même contradictoires, qui poussent le joueur à s’interroger.

Même le propos d’Adam, sur le conflit comme élément fondamental de l’humanité, qui semble être devenu le pilier de la troisième partie du jeu, voit la possibilité d’être encore renversé dans la fin D[28] et surtout la fin E, dans laquelle toutes les données de jeu sont effacées. Ce même mécanisme avait été utilisé dans une des fins de NieR, ce qui avait fait saluer le génie de Yokō Tarō par une partie des joueurs, pendant que d’autres le tâchaient de sadique et mégalomane[29].

La question des sauvegardes dans NieR : Automata prend une importance particulière même avant la fin, parce qu’elle est diégétisée. Car, quand on fait une sauvegarde, les androïdes effectuent un backup des données mémorisées, qui peuvent toujours être transférées dans un nouveau corps si le précèdent est détruit. Le game over fait partie de la diégèse, l’échec a vraiment causé la destruction du corps physique de l’androïde utilisé, mais un corps de remplacement est toujours prêt (au moins jusqu’à quand un facteur externe ne l’empêche, comme le virus qui infecte 2B). En outre, ce jeu présente une logique de « RPGfication » [30], c’est-à-dire qu’il contient des processus qui poussent le joueur au « complétisme », en investissant dans le jeu beaucoup plus de temps que ce qui est nécessaire (et qui est déjà exigeant) pour terminer l’histoire principale. Par exemple, il faut pas mal de temps et de ressources pour obtenir et améliorer toutes les armes disponibles, il faut faire monter de niveau son propre personnage plusieurs fois pour arriver à battre des boss cachés.

En terminant les fins C ou D, en répondant d’une certaine manière à une question, on lance une phase du jeu où il faut tirer sur les noms du générique de fin, en contrôlant une sorte de curseur triangulaire. C’est une modalité qui ressemble au phases de hacking complétées avec 9S, mais beaucoup plus difficile, parce que les ‘ennemis’ contrattaquent tout le temps. Très vite l’affrontement devient une sorte de bullet hell, très dur à terminer. Mais, au moment où le jeu demande de reconnaitre que le monde n’a aucun sens, voilà qu’apparaissent des messages d’espoir et de soutien de la part d’autres joueurs, et qu’il est possible de recevoir leur aide. On revient au bullet hell, mais cette fois on est rejoint par d’autres ‘curseurs’ : c’est ce qu’il reste des données de jeu d’autres personnes. Cette puissance de feu accrue rend plus simple la bataille contre les « auteurs » du jeu, pendant que les paroles de la chanson Weight of the World soulignent la nécessité de continuer même ce qui semble être un effort insensé.

À la fin de l’affrontement on assiste aux réflexions des Pods, les petits robots de soutien qui ont accompagné les trois androïdes au cours du long voyage. Ici, la phrase prononcée au début du jeu par 2B (« Tout ce qui vit est conçu pour finir. Nous sommes perpétuellement piégés dans une spirale de vie et de mort sans fin. Est-ce une malédiction ? Ou quelque sorte de punition ?[31] ») est reprise avec des petites modifications. C’est peut-être le moment du jeu où apparait le plus clairement l’influence de Nietzsche[32]. Les Pods réfléchissent à une situation d’éternel retour : même en recommençant à zéro, ailleurs, il est possible qu’on arrive à nouveau aux mêmes conclusions. Un éternel retour qui refuse le devenir de l’histoire et auquel on ne peut pas échapper narrativement : recommencer NieR : Automata mènera à la même fin de la dernière fois. Ce qui peut changer – c’est les Pods qui laissent ouverte la possibilité d’un changement – c’est l’approche au jeu et les considérations qu’il produit[33].

Après cette dernière vidéo l’on demande au joueur s’il souhaite effacer toutes les données de la session pour aider « quelqu’un quelque part dans le monde », de la même manière qu’il l’a été pendant le bullet hell. Celui qui recevra de l’aide, le jeu nous dit, peut être un parfait inconnu, une personne détestable, quelqu’un qui pourrait ne pas être reconnaissant. Un renversement, si l’on veut, de l’histoire Le mandarin de Eça de Queirós[34], où il est possible de tuer un mandarin chinois inconnu et d’en obtenir les richesses tout simplement en sonnant une cloche.

Cette fin, qui a suscité d’intenses et différentes réactions parmi les joueurs[35], rouvre la question sur le nihilisme réel de NieR : Automata[36]. Comme nous l’avons déjà dit, le jeu ne donne pas de réponse univoque, notamment parce que ce sont les joueurs qui font le dernier choix : ils peuvent garder leurs sauvegardes ou ‘sacrifier’ de nombreuses heures de jeu pour aider un inconnu. Dans le deuxième cas, on peut affirmer qu’il y a un avancement empathique. Précédemment, on a parlé des manières avec lesquelles NieR : Automata contribue à créer de l’empathie envers les personnages, avec qui on a été en contact pendant beaucoup de temps ; maintenant on demande à avoir de l’empathie pour des inconnus. Tout cela, d’ailleurs, ne changera concrètement rien : l’aide reçue par un joueur amènera l’inconnu au même résultat que tous ceux qui ont terminé le jeu avant lui. C’est un « don unilatéral aux inconnus[37] », sûrement moins coûteux que d’autres sur le plan matériel, mais qui a en lui un certain élément temporel : on donne donc son propre temps passé, les dizaines d’heures consacrées au jeu. C’est un choix écologique, dans le sens relationnel du terme qui a été indiqué au début, qui peut offrir, sans l’imposer, un appel à l’action, une nouvelle perspective. Ceci est le rôle que l’écocritique reconnait depuis toujours à la narration, comme soutien de la science : « la narration est essentielle à la pratique de la prédiction et elle est la voix pour des appels à l’action. Elle est capable de porter le poids de prévoir les résultats et d’inculquer des valeurs à un vaste public[38] ». De plus, la possibilité d’un choix (non seulement concernant l’interprétation) dans une narration peut accroitre la conscience des questions environnementales.

3. Trois paysages

Après avoir reconstruit le parcours empathique long et ramifié de NieR : Automata, on va par la suite laisser quelques suggestions sur quelques décors spécifiques du jeu (le désert, le village de Pascal et le royaume de la forêt), pour montrer comme le décor de ce produit ait contribué à véhiculer spécifiquement le cadre général décrit jusqu’ici.

3.1 Le désert

Le désert est un des premiers environnements que le joueur rejoint. Il s’agit d’un environnement hétérogène, composé au début d’un espace rocheux (qui confine avec les City Ruins visitées précédemment), puis d’une étendue de sable entourée d’hautes montagnes (appelée Desert Zone) et d’un complexe résidentiel abandonné (Desert Housing). C’est dans le désert que les androïdes (et le joueur avec eux) commencent pour la première fois à se poser la question de la capacité des machines d’éprouver des sentiments. Les ennemis qui sont présents, en effet, copient maladroitement les habitudes des êtres humains et semblent effrayés par l’irruption des androïdes dans leur repaire. C’est encore dans le désert que Adam et Eve naissent, deux personnages très importants dans l’économie complexive du jeu.

Le désert est depuis toujours le lieu de l’affrontement, soit dans sa traversée, soit dans les permanences initiatiques qui se passent là-bas ; c’est le lieu de la lutte contre soi-même, ainsi que de l’attente, au moment où on se pose en dehors du monde, dans un lieu où le temps parait s’être arrêté. Dans NieR : Automata il s’agit du lieu de l’épreuve au sens physique (le boss le plus puissant du jeu se trouve dans cette zone), au sens de l’espace (il est difficile de s’orienter dans les tempêtes de sable pour rejoindre l’oasis cachée) et surtout au sens de la vie intérieure : pour la première fois, le doute s’instille dans les croyances des androïdes sur leurs ennemis. Le passage dans le désert se révèle donc un moment significatif, et le lieu même, pour ses caractéristiques, contribue à renforcer implicitement un des éléments de fond du jeu, celui du temps bloqué, enroulé, qui revient tout le temps sur soi-même. Mais, en même temps, le désert contient la promesse d’un changement futur, un tournant (la paix avec les machines, leur évolution par le biais de Adam et Eve, etc.).

Le désert, lieu de l’attente et de la patience, de l’immutabilité indiscutable, essaye de s’ouvrir au devenir. C’est un espoir qui sera plusieurs fois modifié au cours de l’histoire, au point qu’il semble parfois s’évanouir, mais il sera encore présent à la fin, dans le dialogue entre les deux Pods qui précède l’effacement des données de jeu.

3.2 Le village de Pascal

Après la rencontre avec les machines du désert et ensuite avec celles de l’Amusement Park (pacifiques, mais plongées dans une sorte de fête perpétuelle, où il est difficile de comprendre s’ils sont en train de s’amuser ou seulement de mimer l’acte du divertissement), on arrive à rencontrer la communauté de Pascal, qu’on a déjà mentionné. Leur village se développe sur un système de passerelles autour du tronc d’un arbre immense. Les maisons sont minuscules, plus ou moins de la taille exacte de leurs habitants, mais d’ailleurs les machines n’ont pas vraiment besoin de ces édifices minuscules qui sont plutôt utilisés pour imiter les humains.

Le village ressemble visuellement à certaines représentations du lieu où habitent Peter Pan et les Garçons Perdus. À bien des égards, les différences sont plus nombreuses des similitudes, mais il y a un point qui mérite d’être souligné pour le rapport avec le lieu. Peter Pan apparait comme un médiateur entre nature et culture, grâce aussi à son statut hybride (il n’est pas complétement humain, mais il n’est pas non plus quelqu’un de non-humain), qui se révèle très déficitaire dans ce rôle. De même manière, pour une bonne partie du jeu, Pascal apparait comme un personnage de médiation, et son projet semble la voie meilleure pour arriver à la fin du conflit. Il est un médiateur double, entre technologie et nature et entre machines et androïdes. Mais finalement, lui aussi s’avère incapable de se proposer pour ce rôle, quand son projet échoue et la douleur l’anéantit e l’amène à s’échapper à la réalité.

3.3 Le royaume de la forêt

Le Forest Kingdom est une zone de bois placée entre les ruines d’un centre commercial et d’un château. C’est le territoire d’un groupe de machines qui se comportent comme des anciens soldats et se battent pour protéger le « roi de la forêt ».

Grace Gerrish[39] rappelle une des quêtes secondaires qui ont lieu ici comme exemple emblématique des modalités que NieR : Automata met en œuvre pour renverse les attentes du joueur.

La forêt est depuis toujours une des étapes fondamentales de nombreux voyages fantastiques et initiatiques, le long d’un voyage de découverte où l’on récupère sa propre identité perdue que la routine avait endormi.

Une machine à l’orée de la forêt propose une mission – appelée « Treasure Hunt at the Castle » dans le menu – aux deux androïdes, en leur expliquant comment trouver un trésor caché au centre du château. Il s’agit d’un type de quête secondaire très fréquent dans les jeux de rôle : on explore une zone en plus, au cours d’un détour du parcours principal, et en reçoit un trésor de quelque sorte. Dans ce cas aussi le joueur – fort de ses expériences vidéoludiques et de la valeur que le lieu détient dans les aventures de recherche – s’attend probablement à recevoir une nouvelle arme ou quelque chose du genre. Après avoir (re)parcouru la forêt et le château et avoir atteint la zone non explorée, les androïdes trouvent le personnage classique qui garde le trésor, une machine-cavalier très puissante. Après avoir battu l’ennemi, ils découvrent que le trésor qui été gardé par le cavalier est seulement le tombeau de l’ancien roi de la forêt, Ernst. Comme on le découvre par une lettre obtenue à ce moment-là, il s’agissait d’une machine pacifique qui avait construit un royaume formidable au centre de la forêt, qui distribuait ses composants électroniques aux sujets qui en avaient besoin, avec beaucoup de générosité, jusqu’à quand il avait cessé de fonctionner. Donc, la seule récompense de la quête secondaire est la certitude d’avoir tué sans une bonne raison les gardiens fidèles d’un roi juste et bon.

Cette absence de sens d’ailleurs s’étend au destin du nouveau roi de la forêt, Immanuel, une machine ‘nouveau-né’ qui a reçu les composants de Ernst, et de laquelle on attend qui grandisse pour avoir un nouveau roi juste. Mais, en tant que machine, Immanuel est destiné à rester un nourrisson pour toujours, ne pouvant pas grandir réellement. La détermination inébranlable avec laquelle les soldats du royaume son prêts à se sacrifier pour protéger Immanuel ressemble à la lutte que les androïdes poursuivent dans le nom des humains. Ceux-ci se battent pour quelque chose qui n’existe plus, tandis que les machines de la forêt luttent pour un espoir sans futur (et, à un moment donné, A2 tue Immanuel, vidant complètement de sens la lutte des soldats).

C’est à ce point là peut être que réside, comme on l’a dit, une des interprétations plus pertinentes du point de vue écocritique du message de NieR : Automata. Sa lutte et son parcours apparaissent totalement privés de sens, sans perspective future, mais même dans une situation si radicalement nihiliste il est possible de trouver une raison pour poursuivre, en gardant une ouverture empathique vers les autres.


[1] William Rueckert, « Literature and Ecology: An Experiment in Ecocriticism », Iowa Review, n° 9, 1, 1978, p. 71-86.

[2] « [T]he study of the relationship between literature and the physical environment », Cheryll Glotfelty, « Introduction: Literary Studies in an Age of Environmental Crisis », p. XV-XXXVII, in Cheryll Glotfelty, Harold Fromm (dir.), The Ecocriticism Reader. Landmarks in Literary Ecology, Athens (Georgia) – London, University of Georgia Press, 1996, p. XVII

[3] «proporre una lettura delle opere letterarie che possa essere il veicolo di una ‘educazione a vedere’ le tensioni ecologiche del presente». Serenella Iovino, Ecologia letteraria. Una strategia di sopravvivenza, Milano: Edizioni Ambiente, 2006, p. 16. Dans le temps on a formulé des définitions plus précises, mais en général l’écocritique se présente comme un champ d’investigation assez libre et en cours de réalisation, défini par les pratiques des chercheurs : Scott Slovic, « Ecocriticism: Containing Multitudes, Practising Doctrine », p. 160-162, in Laurence Coupe (dir.), The Green Studies Reader. From Romanticism to Ecocriticism, New York – London, Routledge, 2000, p. 161).

[4] Scott Slovic, « Ecocriticism: Containing Multitudes, Practising Doctrine », op. cit.

[5] Greg Garrard, Ecocriticism, New York – London, Routledge, 2004, p. 4.

[6] Par exemple Alenda Chang, « Back to the Virtual Farm: Gleaning the Agriculture-Management Game », Interdisciplinary Studies in Literature and Environment, n° 19, 2, 2012, p. 237-252 ; Alexander Lehner, « Videogames as Cultural Ecology: Flower and Shadow of the Colossus », Ecozon@, n° 8, 2, 2017, p. 56-71

[7] Par exemple Hans-Joachim Backe, « Within the Mainstream: An Ecocritical Framework for Digital Game History », Ecozon@, n° 8, 2, 2017, pp. 39-55 e Victor Navarro-Remesal, « Pixelated nature: ecocriticism, animals, moral consideration, and degrowth in videogames », Logos: comunicação e universidade, n° 26, 2, 2019, p. 13-26.

[8] Milan Jaćević, « This. Cannot. Continue. – Ludoethical Tension in NieR : Automata », The Philosophy of Computer Games Conference, Kraków 2017, 2017, p. 1-15.

[9] Voir Nicolas Turcev, The Strange Works of Taro Yoko: From Drakengard to NieR : Automata, Toulouse, Third Editions, 2018.

[10] Trois noms significatifs parce que la manière de les prononcer rappelle, respectivement, le « to be » shakespearien, le « non esse » latin et l’expression « et tu » que César aurait prononcé en s’adressant à Brutus et qui est utilisé par Shakespeare dans la tragédie du meme nom (acte III, scène I). Ce sont trois renvois de leur personnalité (A2, par exemple, est une traitresse, qui s’est retournée contre ses commandants).

[11] Susan Napier, Anime from Akira to Princess Mononoke. Experiencing Contemporary Japanese Animation, New York, Palgrave, 2000, pp. 193-218.

[12] Marco Pellitteri “Funghi nella foresta animata. Le esplosioni atomiche nell’animazione giapponese”, Manga academica, n° 10, 2017, pp. 163-190.

[13] Où la nature a réussi à reconquérir que partiellement les divers loca horrida du contemporain, placés non plus dans des lieux inaccessibles, mais produit par l’action m ê me des humains : Hannes Bergthaller, « Response: Hailed by the Genius of Ruins—Antiquity, the Anthropocene, and the Environmental Humanities »,  p. 61-68, in Christopher Schliephake (dir.), Ecocriticism, Ecology, and the Cultures of Antiquity, Lanham, Lexington Books, 2016, p. 66.

[14] Greg Garrard. Ecocriticism, op. cit., p. 104-107 et Greg Garrard, Teaching Ecocriticism and Green Cultural Studies, New York, Palgrave Macmillan, 2012.

[15] Serenella Iovino, Ecologia letteraria, op. cit., pp. 75-77.

[16] “Before the player controls 9S, they are given over to Friedrich, a small machine who is retrieving oil in order to revive his clearly irreparable “brother.” Despite the fact that the player has been killing machines like Friedrich until this point, the switch from the agile, lightning-fast 2B to the slow, shuffling robot fosters a sympathy for his helplessness, which deepens into an empathetic frustration when, burdened by the bucket, the player inevitably trips over one of the seemingly inconspicuous pipes that litter the ground”. Grace Gerrish, « NieR (De)Automata: Defamiliarization and the Poetic Revolution of NieR : Automata », Proceedings of Nordic DiGRA 2018, 2018, p. 1-10 (3).

[17] Lori Landay, « Interactivity », p. 173-184, in Mark J.P. Wolf, Bernard Perron (dir.), The Routledge Companion to Video Game Studies, New York, Routledge, 2014.

[18] Une empathie, par ailleurs, vers des ennemis qui sont considérés comme des objets (encore plus que les protagonistes, dont les corps sont des coques remplaçables, tant qu’ils arrivent à préserver la mémoire des boites noires), ce qui inscrit ce sentiment dans une perspective plus large. On sympathise non seulement pour ce qui n’est pas humain, mais aussi vers la matérialité même (Serpil Oppermann, “From Ecological Postmodernism to Material Ecocriticism: Creative Materiality and Narrative Agency”, p. 21-36, in Serenella Iovino, Serpil Oppermann (dir.), Material Ecocriticism, Bloomington, Indiana University Press, 2014), vers des entités qui n’apparaissent pas vraiment comme ‘vivantes’ : des machines aux poissons mécaniques qui nagent dans les lacs de pétrole, jusqu’à la planète. L’empathie s’étend donc au-delà des règnes animal et végétal.

[19] Katherine Isbister, How Games Move Us. Emotion by Design, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2017, p. 22-23.

[20] Eugenie Shinkle, « Corporealis Ergo Sum: Affective Response in Digital Games », pp. 21-35, in Nate Garrelts (dir.), Digital Gameplay: Essays on the Nexus of Game and Gamer, Jefferson, McFarland, 2005; Steve Swink, Game Feel. A Game Designer’s Guide to Virtual Sensation, New York, Routledge, 2009.

[21] Alenda Chang, John Parham, « Green Computer and Video Games: An Introduction », Ecozon@, n° 8, 2, 2017, p. 1-17.

[22] Grace Gerrish, « NieR (De)Automata… », op. cit., p. 5.

[23] « So then! To sum up: For hundreds of years, we’ve been fighting a network of machines with the ghost of humanity at its core. We’ve been living in a stupid *****ing world where we fight an endless war that we COULDN’T POSSIBLY LOSE, all for the sake of some Council of Humanity on the moon that doesn’t even exist ». Machine Research Report. Morceau de texte dans les information archives de NieR : Automata, 2017.

[24] Milan Jaćević, « This. Cannot. Continue…», op. cit., p. 4.

[25] « The core of humanity… is conflict. They fight. Steal. Kill. THIS is humanity in its purest form ».

[26] Serenella Iovino, Ecologia letteraria, op. cit., p. 77.

[27] Archipel, « Yoko Taro, Game Creator (NieR, Drakengard series) – toco toco », YouTube, 01/04/2017, https://www.youtube.com/watch?v=L3wScHE28K8.

[28] La fin D mérite un appel de note. 9S, au moment de mourir après le duel avec A2, découvre que la tour gigantesque qui a été consruite par les machines est une arche qui sert à transporter dans l’espace lointain la mémoire des machines (et, indirectement, des humains) qui ont participé à la guerre. Adam et Eve, dont les mémoires résides dans la tour, demande à la conscience de 9S, si il veut les rejoindre, surmontant ainsi leur rivalité.

[29] Nicolas Turcev, The Strange Works of Taro Yoko, op. cit.

[30] Rob Gallagher, Videogames, Identity and Digital Subjectivity, New York – London, Routledge, 2017, p. 179.

[31] “Everything that lives is designed to end. We are perpetually trapped in a never-ending spiral of life and death. Is this a curse? Or some kind of punishment?”.

[32] Milan Jaćević, « This. Cannot. Continue…», op. cit.

[33] Grace Gerrish, « NieR (De)Automata… », op. cit., p. 7.

[34] José Maria Eça de Queirós, O Mandarim, Lisboa: Imprensa Nacional-Casa da Moeda, 1880.

[35] « Some felt a sense of loss and regret after deleting their saves; others felt liberated from the compulsion to ‘100%’ the game and collect everything; others still were moved to reflect on the game’s ‘message’, and on the terms on which we remember games »: Rob Gallagher, « Memory and Meaning in Analogue: A Hate Story and NieR : Automata », pp. 1-3, DiGRA ’18 – Abstract Proceedings of the 2018 DiGRA International Conference: The Game is the Message, 2018, p. 2.

[36] Grace Gerrish, « NieR (De)Automata… », op. cit.

[37] Gianni Gasparini, Sociologia degli interstizi. Viaggio, attesa, silenzio, sorpresa, dono, Milano, Bruno Mondadori, 1998, p. 157.

[38] « [N]arrative is essential to the practice of prediction and is the voice of calls to action. It is capable of bearing the weight of predicting outcomes and instilling values to an inclusive audience ». Heidi Scott, Chaos and Cosmos: Literary Roots of Modern Ecology in the British Nineteenth Century, University Park: Penn State University Press, 2014, p. 86.

[39] Grace Gerrish, « NieR (De)Automata… », op. cit.,